Au programme :
- Les lootboxes n’en finissent plus de faire scandale (fin du débat à la 54′)
- Soldes : le bonheur est total (Wolfenstein 2, Hob, Fantasy Strike, etc)
- Bilans de l’année, que retenir ? Feat. Oscar Lemaire
- Et plus !
Votez pour vos jeux préférés ! https://goo.gl/forms/BB8ubvDnJSx1wwQD2
Plus d’infos sur l’épisode :
- Les animateurs sont Oscar Lemaire (@oscarlemaire), Daniel Andreyev (@kamuirobotics), Cassim Ketfi (@NotCassim) et Patrick Beja (@NotPatrick).
- Le générique est de Daniel Beja (@misterdanielb). Sa musique libre de droit est sur MusicInCloud.fr.
Vous pouvez télécharger le fichier MP3, et vous abonner par iTunes ou en RSS.
Baptiste dit
Patrick,
Malgré mes écoutes « religieuses » de l’ensemble de tes podcasts, je laisse assez rarement de commentaires. J’en profite aujourd’hui sur cet épisode, pour une raison bien particulière.
En effet Le rendez-vous Jeux n’est en général pas l’un de mes préférés, car je trouve qu’il tourne souvent en mono-sujet (Destiny? :)), très Main-Stream (AAA powered) et souvent beaucoup trop sérieux alors que nous abordons un sujet finalement très léger qui est le jeu vidéo.
Aujourd’hui, cet épisode a rempli les critères que j’attends d’un podcast de jeux vidéo: actualités du média, pertinence, et humour (ponctué du magnifique « tu n’as qu’à jouer à Civilization »)
Bref, en une phrase, merci beaucoup pour ce moment agréable 🙂
A bientôt
Patrick dit
Salut Baptiste, et merci pour ton commentaire. Ce qui est intéressant c’est que j’ai trouvé cet épisode correspondait particulièrement à la description de ce que tu n’aimes pas ; on a parlé mainstream de manière sérieuse (ou aussi sérieuse que d’habitude), de AAA (beaucoup, comme d’habitude) et même de Destiny !
Donc je suis content que tu aies aimé l’épisode, mais je ne suis pas sûr de savoir pourquoi celui-ci t’a plu plus que les autres…
Ceci dit, sur Destiny je te trouve méchant par contre, je ne trouve pas du tout qu’on en parle beaucoup… On en a parlé à la sortie, mais pas plus que ça. A moins que tu ne parles du 1 il y a 3 ans, auquel cas je plaide coupable. 🙂 Quand au mainstream / AAA, on est un podcast généraliste / mainstream / d’actualité. J’avoue volontiers que c’est notre cible…
Cassim Ketfi dit
La différence entre cet épisode en particulier et les autres me semble pourtant évidente !
Neibucrion dit
Comme c’est bon d’écouter les contradicteurs… peut être d’entendre la parole de l’ennemi ! Quelle obsession à défendre le commerce ! On en viendrait presque à s’interroger sur ton portefeuille d’actions… Ce que j’apprécie tout de même chez toi est ta capacité à ouvrir l’antenne à des propos opposés aux tiens : les analyses d’Oscar Lemaire étaient passionnantes et je le crains, extrêmement lucides ! Ce que vit aujourd’hui le jeu vidéo me rappelle dramatiquement ce qu’a vécu le cinéma. Je vous renvoie vers l’excellent livre de Peter Biskind sur le Nouvel Hollywood, dans lequel il décrit la concentration des moyens dans l’industrie cinématographique à la fin des années 70, sur des gros projets commerciaux, suite au triomphe de Star Wars. Que reste-t-il du cinéma 40 ans plus tard ? Une écrasante industrie de blockbusters à licence formatés qui a ecrabouillé toute la création. Où sont les grands projets audacieux que pouvaient être le 2001 de Kubrick ou le Satyricon de Fellini à la fin des années 60 ? Il n’existe plus aujourd’hui de place pour un cinéma riche et varié : les moyens ont tous été aspirés par le formatage commercial. C’est exactement le même danger qui menace aujourd’hui le jeu vidéo, et les seuls à pouvoir lutter contre, sont les médias qui ont la possibilité de faire connaître d’autres créateurs et d’autres modèles esthétiques et économiques. Les grands pouvoirs et les grandes responsabilités, Patrick, etc…
Patrick dit
Si tu as cette vision du jeu vidéo je ne suis pas surpris que tu aies aussi cette vision du cinéma, mais tout de même il y a encore de belles choses audacieuses dans ce domaine ! Sans y réfléchir deux secondes je pense à Baby Driver cette année et Mad Max Fury Road ces dernières années. Et je ne parle même pas du fait que j’aime bien les (certains) blockbusters, ça te ferait exploser j’imagine… 🙂
Patrick dit
(Et j’oubliais de te remercier pour les compliments du coup ; oui bien sûr, les idées différentes ou opposées sont importantes aussi… C’est en les confrontant – intelligemment et posément – qu’on peut vraiment construire les siennes ! Sinon on ne fait que tourner en rond et se convaincre soi-même de ce dont on est déjà convaincu… Du coup je suis très heureux que tu apprécies l’effort!)
Scicop@tos dit
Bien le bonjour Patrick (meilleur prénom du monde, ça, c’est fait),
Avant toute chose, puisque c’est la première fois que j’interviens ici, merci pour tes podcasts (Tech & Jeux), cela fait quelques mois que je t’écoute maintenant, et c’est toujours avec plaisir.
Mais voilà, comme tu t’en doutes, quand on vient commenter, c’est souvent parce qu’on a des choses qui ne nous ont pas plu 😉
En fait, j’ai trouvé dommage, dans votre analyse du contexte économique « justifiant » la présence de micro-transactions dans les AAA, que vous omettiez quelques critères à prendre en compte dans la réflexion globale.
1/ Lorsque l’action d’une entreprise prend, en 3 ans, presque 450% alors que ses coûts de production ont, en théorie (et d’après la com’ même de ces sociétés) augmenté, et que le marché est devenu très concurrentiel, il n’y a qu’une seule interprétation possible : cette entreprise voit ses revenus augmenter et distribue plus de dividendes à ses actionnaires (donc génère d’avantage de bénéfices).
2/ si les coûts de « production » ont augmenté, ce n’est surement pas du à l’amélioration des conditions de travail, il faut donc peut-être chercher ses « nouveaux » coûts ailleurs. Et ce n’est pas du côté des fonctionnalités liées aux micro-transactions, dont le coût de production est, en moyenne, 3 fois moins élevé que pour le jeu lui-même (chiffres avancés par CanardPC)
3/ On a tendance à l’oublier, mais quelques mois avant la sortie de BF2, un grand ponte d’EA avait une sortie pour expliquer le pourquoi de la présence des micro-transactions en indiquant que le prix de vente des jeux était trop faible au vu de ce que coûtait à produire un AAA de nos jours.
4/ EA annonce que ces micro transactions représentent aujourd’hui presque 50% de ses revenus (20% pour Ubi).
5/ Un studio comme CD Projeckt est devenu éditeur en produisant uniquement du AA puis du AAA sans micro-transactions. On peut aussi citer des success story comme Naughty Dog ou Rockstar, bref, ce ne sont pas les exemples qui manquent pour avancer qu’un AAA qui se vend bien est un AAA rentable. Encore une fois, cette soit-disant augmentation des coûts ne semblent pas être un frein à la rentabilité d’un jeu au prix actuel sur la base de son volume de ventes uniquement.
6/ Rappelons que SW BF1 s’est vendu à plus de 14 M d’exemplaires, ce qui est juste monstrueux, et même si tout le monde l’avait payé moitié prix, le chiffre d’affaire généré approcherait tout de même les 500 M $. Quand on sait qu’un jeu comme Red Dead Redemption a coûté 100 M $ à produire, même si les couts de production ont doublé en 5 ans, le jeu reste extrêmement rentable (à 150% minimum, je pense qu’on peut y aller niveau superlatifs).
Tout ça pour dire que le problème ce n’est pas tant la présence de lootboxes dans certains jeux video, vous avez notamment évoqué les free-to-play façon League of Legend, que les raisons pour lesquelles ces gros éditeurs imposent petit à petit ces pratiques (et ils ont réussi leur coup pour les DLC « cosmétiques » payants). Oser dire que c’est un problème de coûts et de marché très concurrentiel, c’est juste nous prendre pour des jambons. Il s’agit juste, comme dans les autres secteurs économiques générant de très gros volumes financiers, dès lors qu’une société est cotée, de maximiser les profits pour les actionnaires.
Patrick dit
Salut l’ami, et merci pour ton (long) commentaire !
Je ne vais pas répondre à tout parce que je pense qu’il y aurait tout de même beaucoup de redites par rapport à l’épisode, mais je vais tout de même dire deux ou trois choses :
– CD Project n’est pas le meilleur exemple à prendre, surtout étant donner tes autres arguments : ils bénéficient d’un coût du travail beaucoup plus faible en Pologne qu’en France ou aux Etats-Unis, et ils touchent beaucoup d’aides financières de l’état (plusieurs millions d’euros). Ca n’enlève rien à la qualité de leur travail et à leur éthique, mais le détail est intéressant dans le contexte de ton commentaire.
– Naughty Dog est un first party, ce qui veut dire qu’ils bénéficient de l’aide et des investissements de Sony, qui subventionne en quelque sorte leur travail pour mettre en avant la console. La encore ça n’enlève rien à la qualité de leurs jeux (The Last of Us est sans doute mon jeu préféré de tous les temps). Et Rockstar a très largement pivoté dans le GaaS avec GTAV. Ils n’ont plus rien sorti d’autre depuis alors qu’ils sortaient un jeu par an / tous les deux ans avant. On verra ce qui se passe avec RDR2.
– Les coûts de prod des micro transactions sont bien sûr moins élevés que le jeu de base, personne ne le nie ni ne l’oublie. C’est même ce qui permet de dire que les micro-transactions sont l’outil de rentabilisation d’aujourd’hui. Si elles coûtaient autant à faire que le jeu de base… Autant refaire un jeu de base en plus (qui pourra en plus toucher de nouveaux joueurs).
– Tu sembles douter du fait que les jeux coûtent plus cher à produire aujourd’hui qu’hier… Je ne peux pas te convaincre de force, mais une société comme Ubi, dont le budget total est resté sensiblement le même au cours des 5 dernières années, produisait 20 ou 30 jeux à l’époque, et n’en produit plus que 10 aujourd’hui. Le budget de chaque jeu est évidemment plus élevé (et accessoirement on a un peu moins de jeux moyens produits à la va vite).
– Les bénéfices semblent aussi te poser un énorme soucis… Dans ces industries, surtout pour les gros acteurs, la frontière entre succès important et pertes inquiétantes est toujours ténue. Les gros se portent en effet très bien ces dernières années, mais ça n’a pas toujours été le cas, et on pourrait justement avancer l’argument que c’est grace aux micro transactions, sans lesquelles elles seraient dans le rouge (les bénéfices de EA viennent en énorme partie de FIFA Ultimate Team, le mode de jeu à lootboxes le plus sale du monde… que les joueurs, en fait, adorent.)
Bref bref, il y aurait encore beaucoup à dire, mais je t’avoue que je suis un peu à bout sur les lootboxes ; j’espère ne plus avoir à en parler d’ici au moins six mois ! 😀
Scicop@tos dit
Merci d’avoir pris le temps de me répondre, et je comprends que tu n’en puisses plus, du coup je vais juste conclure que non je ne remets pas en question l’augmentation des coûts, ni la recherche de profits de ces entreprises, je voulais juste relever la relative hypocrisie des raisons avancées par les dits éditeurs de AAA pour justifier d’aller si loin dans les micro-transactions.
Au plaisir de de t’écouter sur d’autres sujets 😉
Oscar Lemaire dit
Bon, je vais pas prendre tes remarques point par point parce que globalement elles tournent autour de la question de la hausse des coûts. Je t’invite à lire un article que j’ai écrit sur le sujet il y a quelques mois : https://www.gamekult.com/actualite/l-industrie-du-aaa-est-a-un-tournant-de-son-histoire-partie-1-3050796985.html mais si tu n’es pas premium chez GK je vais essayer d’évoquer quelques-uns de ses éléments.
J’insiste à nouveau sur l’exemple que j’ai donné dans l’émission : Tomb Raider avait besoin de 100 000 ventes pour être rentable, Dead Space 2 avait besoin de plus de 4 000 000.
Pour un autre exemple, je rapporte les propos du patrons d’Epic, l’entreprise derrière les moteurs Unreal mais aussi derrière Gears of War, et qui a décidé de ne pas développer de quatrième opus mais a préféré vendre la licence à Microsoft. Je cite mon article :
Interrogé par Polygon en mai 2016, le cofondateur d’Epic Games, Tim Sweeney, s’est expliqué sur les raisons qui ont amené sa société à se débarrasser de sa licence phare. “Le tout premier Gears of War a coûté 12 millions de dollars à développer, et il a rapporté environ 100 millions de dollars en chiffre d’affaires, explique-t-il. C’était très rentable.” Sauf que depuis, les coûts de développement n’ont cessé de s’accroître, rendant la situation bien plus compliqué. Le coût du troisième épisode a été “multiplié par quatre ou cinq”, et Sweeney d’évaluer le coût d’un Gears of War 4 à plus de 100 millions de dollars s’il avait été réalisé par Epic. “Un quelconque [résultat inférieur à un énorme succès] aurait pu provoquer notre faillite”.
Voici aussi une citation (en anglais) sur le sujet : (https://motherboard.vice.com/en_us/article/nz9e58/walk-the-line)
Patrick Walker, VP of insight and analytics at the video game industry research firm EEDAR, estimates that a big-budget game in 2016 costs anywhere between $50 and $200 million. He said the biggest hits in this space can make up to a billion dollars per game, but that overall big-budget-game revenues haven’t kept pace with the cost of development.
« At a certain point, the risk is too much, » Walker said. He added, « The revenue made by the top five game publishers on console has stayed the same, from 2008 to 2016. »
Tu interroge sur la raison de la hausse des coûts de développement. Elle est très simple : au fur et à mesure que la technologie progresse et que les standards évoluent, les jeux sont plus impressionnants visuellement mais plus cher à développer parce qu’ils nécessitent bien plus de monde. Y a 20 ans, tu pouvais faire un jeu à la pointe de la technologie avec une équipe de moins de 50 personnes. Aujourd’hui il faut plusieurs centaines de personnes, sur une durée plus longue. Tu évoque Rockstar. Justement. Alors que leur effectif ne fait que grossir et que le studio Rockstar North ne s’occupe que de ces jeux principaux (ce sont d’autres studios qui ont réalisé les spin-offs comme Chinatown Wars par exemple), regarde à quel point la durée entre chaque épisode s’allonge (ce qui équivaut grossièrement à la durée de développement)
De GTA3 à Vice City : 1 an
De Vice City à San Andreas : 2 ans
De San Andreas à GTA4 : +3 ans
De GTA4 à GTA5 : +4 ans
Si GTA6 sortait fin 2018, on dépasserait les 5 ans. (et spoiler : il sortira plus tardivement)
Pour Rockstar San Diego, qui s’occupe de Red Dead, c’est encore plus fou :
De RDR à RDR2 : 8 ans
Alors Rockstar ils peuvent se le permettre, parce que GTA et RDR se sont des marques suffisamment fortes où ils savent d’avance que même le budget le plus fou sera rentabilisé. Mais tu peux pas de baser sur ces exemples exceptionnels pour parler de bonne santé du marché. C’est pareil avec The Witcher 3, ils ont pris un risque avec jeu, ça a payé, mais si le succès n’avait pas été au rendez-vous, CD Projekt serait dans une situation très délicate. Et soi-dit en passant, CD Projekt a récemment été épinglé comme un studio qui pratique les pires conditions de travail avec une quantité astronomique d’heures sup et une forte proportion d’employés qui craquent et se barrent.
En passant, une citation de Miyamoto, qui remonte à la GameCube :
« When some popular game sells well, while I don’t like admitting it, it’s not because the director was good; it’s the content of the game. For example, in a cutscene, a single instant can move a player’s emotions. You can make movie scenes with a graphic designer, a sound guy, and a programmer… and so that becomes the game’s core. Now, this seems like a wonderful idea at first glance, but no matter who makes this, no matter what system it’s on, it’ll always end up being the same thing. The PS2, Xbox and GameCube really aren’t that far apart in capability. If you keep this up, then the competition becomes one to up the graphics, to up the sound, and that costs money. You might already all know this, but game sales in general are going down. So is music. MP3s might be part of that, but I’ll leave that problem alone.
For one minute of an opening movie in a game, it costs around 20 to 30 million yen to make. You can reuse some of the programming and camerawork, but this is the hugeness of the scale we’re talking about. And then the demands everywhere else become greater–you have to have some kind of special effects when an action takes place, and you can’t have lame sound effects, so you end up requiring several people just for sound effects. And then, the more people you tack on, the harder it gets to shape the whole thing together. It becomes this unfinished game, and then the users start complaining. »
Je t’invite aussi à regarder ce graphique, présenté en 2011 par Mark Cerny :
https://d3isma7snj3lcx.cloudfront.net/optim/images/photos/30/50/51/62/lindustrie-du-triple-a-ME3050516269_1__w830.jpg
Et celui-ci que j’ai fait y a quelques temps, montrant l’hécatombe dans les studios habitués à travailler avec les gros éditeurs, au moment où les coûts ont explosé avec la démocratisation de la HD :
https://infogram.com/untitled-1go502yez7gwmjd
Et pour finir cette citation bien plus récente de Spencer, le big boss chez Xbox.
« Le public de ces gros jeux portés par leur histoire… Je ne vais pas dire qu’il n’est pas aussi important, mais je dirai qu’il n’est pas aussi régulier. Des jeux comme Zelda [Breath of the Wild] ou Horizon Zero Dawn, ils vont très bien se vendre, mais ils n’ont pas le même impact qu’ils avaient auparavant, car les gros jeux-service récupèrent désormais une très grande partie du public. Les studios first party de Sony font beaucoup de jeux de ce genre, et ils sont très bons, mais en dehors de ça, c’est difficile. [Ces jeux] deviennent de plus en plus rares. C’est une décision commerciale difficile à prendre pour ces équipes, vous allez de plus en plus dans le sens contraire du vent. Nous devons comprendre que même si nous aimons ces jeux, il est nécessaire qu’ils aient un potentiel commercial. »
Enfin, petite précision : tu évoque le fait que le cours d’une action est liée aux dividendes/bénéfices de l’entreprise. Selon moi, c’est pas tout à fait vrai. La bourse est avant tout un marché spéculatif. La valeur de l’action est, je pense, d’abord défini par les perspectives. Regarde Amazon : c’est une entreprise qui, actuellement, ne gagne par énormément d’argent. Enfin, tout est relatif, mais il y a énormément d’entreprises qui en gagnent bien plus. Pourtant Amazon est une des plus grosses capitalisation boursière de la planète. C’est parce que les investisseurs savent que même si Amazon ne gagne pas un fric fou aujourd’hui (principalement parce qu’ils font des dépenses colossales en R&D), ils savent aussi qu’Amazon est en train de mettre en place toute une stratégie qui feront d’eux les maîtres du monde à long terme, et que les perspectives de bénéfices dans quelques années (quand les investissements actuels auront porté leurs fruits) sont incroyables. Bref, la valeur de l’action dépend surtout du potentiel de croissance d’une société. Et évidemment, une entreprise côté en bourse a comme objectif principal de faire monter la valeur de son action, et donc de réussir sa croissance. Là où je veux en venir, c’est que, évidemment que le moteur principal de la stratégie des éditeurs c’est ça : gagner de plus en plus d’argent. Je cherche pas bêtement à excuser leurs pratiques, au contraire puisque je m’alarme de cette situation. Mais je cherche à l’expliquer, et l’explication ne passe pas que par une volonté de profits croissants, mais aussi parce que l’état de l’industrie, à cause de la hausse des coûts, fait que le modèle jeu-service devient progressivement le seul modèle viable en matière de gros budget, à quelques exceptions près. Parce que petit à petit, les jeux traditionnels deviennent de plus en plus difficile à rentabiliser, et que même des gros noms comme Mass Effect n’ont plus les moyens de devenir des licences viables.
Pierre-Hugues Meyer dit
Plusieurs choses.
Premièrement, les AA sont en train de revenir en force, que ce soit par des éditeurs japonais ou occidentaux. Beaucoup de projets à budget modéré ont rencontré un succès important cette année (Hellblade, Divinity : Original Sin 2, Nier : Automata, etc.) confirmant la pertinence de ce modèle. Resident Evil 7 en est l’exemple type : il s’est moins vendu que les 5 et 6, mais a probablement été plus rentable grâce à un investissement moins important. Je pense que le modèle « tout AAA » et « investissement à tout prix » est voué à disparaître, y compris chez les plus gros éditeurs. Certains jeux vitrine demeureront, mais des jeux à budgets plus réduits sont certes moins rentables, mais aussi moins risqués.
Deuxièmement, ce qui a rendu cela possible, c’est la diminution du nombre de moteurs. Ce n’est pas un hasard si Electronic Arts impose le Frostbite pour l’ensemble de ses productions, si Square Enix a choisi l’Unreal Engine pour ses prochaines grosses productions japonaises (Kingdom Hearts, Final Fantasy VII Remake) ou si Prey a été réalisé avec le CryEngine. À l’avenir, seuls quelques très gros studios possèderont un moteur interne (et probablement un seul). Cela permet de réduire les coûts, surtout en combinaison avec l’externalisation de certaines tâches, tout en offrant un niveau de graphismes très intéressant. Un jeu comme Hellblade, que j’évoquais plus tôt, n’aurai jamais pu voir le jour sous cette forme sans l’Unreal Engine. La durée de vie est assez courte, mais c’est un jeu graphiquement très abouti rentable après 500 000 ventes seulement (et à 30€).
Aussi, je pense que les jeux peuvent coûter moins chers aujourd’hui qu’en 2013/2014, voire qu’en 2008/2009. Je dis « peuvent », car il y a évidemment des contre-exemples et il y en aura toujours. Cependant, j’ai l’impression que si l’inflation des coûts depuis le début des années 2000 est indéniable, elle est aujourd’hui beaucoup mieux maîtrisée.
À mon avis, le problème de fond est ailleurs : l’industrie du jeu vidéo est actuellement dans un âge d’or. Hormis Sega (pour des raisons évidentes), tous les éditeurs majeurs sont à leur plus haut niveau historique en bourse. Le jeu vidéo rapporte plus que jamais. Cependant, cela a un prix : cette réussite suscite les convoitises. Il n’y a jamais eu autant de jeux sortant chaque année, que ce soit sur mobiles, sur PC (merci Steam Direct) ou sur consoles. Or, contrairement à ce qui avait engendré le crash de 83, cette profusion n’est pas uniquement quantitative, mais aussi qualitative. Il y a évidemment tout un tas de jeux infâmes qui pullulent sur Steam, mais il n’y a jamais eu autant d’excellents jeux sortant en même temps et leur durée de vie a nettement augmenté. Même une personne sans-emploi y consacrant tout son temps ne pourrait finir entièrement l’intégralité des jeux « sélect » de Gamekult qui sortent chaque année. En ajoutant les jeux un peu moins bons, mais très appréciés d’un certain public et les anciens jeux disponibles à petit prix, le jeu vidéo est devenu un loisir dont le plus important est le choix.
Or, ce choix imposé renforce grandement le phénomène « Marche ou crève » que tu évoquais début 2014. À cette époque encore, il y avait des succès moyens, des jeux qui n’atteignaient pas leur seuil de rentabilité (ou tout juste), mais se vendaient correctement : Battlefield Hardline, Batman Arkham Knight, etc. Aujourd’hui, tout jeu, quelque soit son genre ou son éditeur, a un risque non négligeable de complètement se viander.
Il n’y a ni « AAApocalypse » ni « Indipocalypse » ni « mort des jeux solos », seulement un facteur « Marche ou crève » plus prononcé que jamais. Prenons Lawbreakers, jeu multi-joueurs porté par un très grand nom du FPS, soutenu par un constructeur et édité par un expert du jeu en ligne. Verdict ? 46 652 possesseurs selon Steam Spy et un jeu désormais injouable, faute de joueurs. Autre exemple : Project Cars compte 580 000 propriétaires selon le site (et plus de 2M toutes versions confondues), alors que le 2 est sorti dans un anonymat complet et n’a à ce jour que 81 000 ventes sur Steam.
Ce sont deux exemples, mais il serait possible d’en citer plein d’autres. Marvel VS Capcom Infinite, Prey, TitanFall 2… N’importe quel jeu peut complètement se vautrer, sauf qu’échouer ne signifie plus « vendre 5M », mais « vendre moins d’1M », avec des conséquences économiques beaucoup plus graves. En cela, l’exemple de PlayerUnknown’s Battleground me semble particulièrement intéressante : un jeu peut sortir de nulle part* et cartonner alors qu’un autre, beaucoup plus soigné et issu d’une licence forte peut se vautrer. Le cas Fortnite est aussi intéressant : le jeu était bien parti pour être à ranger dans la catégorie des fiascos, l’éditeur étant obliger d’activer du cross-play sans l’autorisation de Sony pour conserver ses joueurs. Cependant, le mode battle royal a totalement changé la situation du titre, qui a rencontré un succès important depuis. Marche ou crève plus que jamais, donc, avec un effet boule de neige très important, notamment à cause de Twitch : les joueurs veulent voir des vidéos sur les jeux populaires du moment –> Les streameurs diffusent ces jeux pour avoir de l’audience –> les joueurs qui ne le connaissaient pas encore apprennent l’existence de ce jeu, l’achètent et veulent voir vidéos dessus.
Nintendo est un peu un cas à part, car ses plateformes comptent beaucoup moins de jeux que la concurrence (bien que cela tende à changer), ce qui leur permet de vendre davantage l’ensemble de leurs jeux, y compris sur la durée. Toutefois, la situation est vraiment compliquée sur PC, consoles (hormis la Switch donc, mais la fenêtre se fermera vite) et mobiles. Si un jeu est soldé à 20€ six mois après sa sortie, ce n’est pas parce qu’un éditeur « dévalue son jeu », mais parce qu’il a tiré le mauvais numéro et qu’à moins d’un miracle à la Fornite (qui arrive une fois tous les cinq ans), il n’a aucune chance de dépasser le million en vendant son jeu plein pot. Le joueur pourrait certes apprendre le cycle de vente, mais s’il n’achète pas Prey à 60€, ce n’est pas parce qu’il attend de le trouver à 20 : c’est parce qu’il achète un autre jeu à plein tarif, qui lui semble plus intéressant. Les soldes renforcent certainement le problème, mais elles visent surtout à limiter les dégâts : six mois après sa sortie, un jeu peut espérer se vendre à petit prix. Deux ans après, plus personne ne s’en souviendra et ne s’y intéressera, même à 1€.
Néanmoins, je n’ai pas encore évoqué les lootboxes. Je pense qu’Overwatch et Star Wars Battlefront 1 auraient pu être rentables sans revenus récurrents (les lootboxes pour l’un, les micro-transactions pour l’autre). Cependant, comme je l’ai dit plus tôt, un éditeur ne peut pas être certain que son jeu fera 15M de ventes, loin s’en faut. Les micro-transactions ont donc deux buts. Premièrement, cela augmente la rentabilité des succès modérés. L’exemple type est Watch Dogs 2 : suite à l’échec commercial (prévisible) de sa sortie, le jeu a rapidement été vendu à moitié prix… et cela a marché. Or, certains de ces joueurs ont ensuite acheté des DLC, compensant leur investissement initial plus faible que prévu. Aucun chiffre précis n’existe, mais je pense que Watch Dogs 2 a été rentable, ce qu’il n’aurait pas réussi en conservant son tarif initial ou sans le modèle « live service ». Mieux : cette baisse de tarif n’a eu aucun impact sur les ventes day one des jeux Ubisoft suivants (For Honor, Ghost Recon, South Park et Assassin’s Creed), prouvant que cela ne modifie pas directement les habitudes de consommation.
Néanmoins, quand un jeu solo se plante, il demeure jouable. À l’inverse, un jeu multi-joueurs a besoin d’une communauté active pour joueur. Torn Banner Studios (Chivalry, 3.5M de ventes) a tout tenté pour Mirage (bêta, week-end gratuit, solde, don temporaire), mais rien n’y a fait : le jeu est désormais injouable, faute de joueurs. Des micro-transactions n’auraient en rien rendu le jeu plus rentable, alors que si le jeu était jouable en solo, il aurait pu continuer à se vendre.
Quand un jeu multi-joueurs se plante entièrement en dépit de quelques tentatives désespérées de le maintenir en vie, il n’y a plus rien à faire. Il faut inscrire cette perte colossale dans les comptes et trouver un moyen de les compenser… par des lootboxes dans d’autres jeux. C’est ceci le corollaire de « Marche ou crève » : Star Wars Battlefront 2 n’a pas besoin d’être rentable, il doit être rentable ET contribuer à compenser l’échec financier de Need for Speed Payback. Les éditeurs savent que certains jeux feront un flop (mais ils ne savent pas lesquels ; c’est tout le problème) et ils cherchent à compenser cela. Il faut qu’un AAA rencontrant un succès important suffise à compenser le fiasco d’autres titres, ce qui implique plusieurs modèles de monétisation.
En somme, le problème n’est pas réellement l’augmentation des coûts. Ils ont augmenté, c’est indéniable, bien que ce soit de manière beaucoup plus maîtrisée désormais qu’au début de l’ère HD. Néanmoins, l’augmentation du potentiel de ventes suffit à compenser cette hausse des coûts : un jeu se vendant à 10 voire 15M sera rentable même sans micro-transactions. Le problème, c’est qu’atteindre un tel chiffre est de plus en plus incertain, même en suivant à la lettre toutes les consignes du petit manuel du parfait commercial et en offrant un excellent jeu. Pis : un jeu faisant à flop ne se vendra pas à 5M, mais peut même être en-dessous du million alors qu’il visait beaucoup plus haut. Les micro-transactions servent donc à limiter les risques, à l’image des machines à sou évitant que des clients trop chanceux au Black Jack ruinent le casino.
* : Oui, le jeu ne sort pas de nulle part, je sais. Cependant, cela demeure un accès anticipé d’un studio très peu connu en occident.
Scicop@tos dit
Je suis bien embêté parce que je suis quand même un peu obligé de réviser mon jugement au vu de tous les éléments que tu as listés, même si je reste sceptique quant à la nécessité absolue d’aller si loin dans les micro-transactions. Je n’ai rien contre le concept du « game as a service », je veux juste croire qu’on peut trouver d’autres moyens moins….toxiques, pour monétiser son jeu.
Ah, et n’étant pas GK Premium, je te remercie pour le partage de toutes ces infos 🙂
1er tigre dit
Bonjour,
je pense qu’il serait intéressant de se pencher sur l’impact que peut avoir le dématérialisé sur les profits générés et sur la rentabilité des jeux.
En effet, vous avez évoqué à plusieurs reprises l’exemple de Dead Space 2. Je ne suis pas certain qu’il soit tout à fait pertinent en 2017.
Premièrement, il faut préciser qu’il n’a jamais été dit, à ma connaissance, que le jeu n’avait pas été rentable avec ses 4 millions de ventes mais plutôt qu’il avait été considéré comme un échec par EA et que ces 4 millions n’étaient pas suffisant. Personnellement, je l’ai interprété plutôt de la manière suivante : quand une boîte comme EA met 60 millions sur la table pour financer le développement d’un jeu, ce n’est pas pour faire 70 ou 80 millions de recettes et 10 ou 20 millions de bénéfices. Ce qu’ils veulent, c’est plutôt investir 60 millions et engranger 200 ou 300 millions.
Deuxièmement, et c’est là que je pense que l’exemple de Dead Space 2 n’est pas forcément bien choisi, il faut se poser quelques questions sur ces 4 millions de ventes. A l’époque, en 2010, quelle part de ces 4 millions l’ont été à 60/70€ et quelle part l’ont été quand le jeu est tombé dans les 20/30€ voire moins ? Egalement, quelle était la part du dématérialisé sur ces 4 millions ? Probablement pas grand chose.
Or, aujourd’hui, nous arrivons à une répartition physique/démat qui s’approche doucement de la parité et je ne conçois pas qu’un éditeur touche la même chose quand il vend un jeu boîte à 70€ et un jeu démat à 70€ sachant qu’il n’a pas à supporter les coûts de production, matériels, stockage, distribution, et n’a pas à rogner sa marge pour permettre aux différents intermédiaires et revendeurs de se prendre une part du gâteau.
Donc, j’imagine qu’un jeu qui se vend à 4 millions d’exemplaires aujourd’hui (physique + démat) rapporte plus qu’un jeu qui se vendait à 4 millions de copies physique en 2010.
D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’Hellblade, comme vous le mentionnez justement dans le podcast, est rentable avec moins de 500 000 ventes. Mais 500 000 ventes en démat uniquement et à 30€ (ou moins) pas 60/70€ !
Je pense que ça en dit long sur la profitabilité du modèle dématérialisé.
On pourrait également se poser la question du coût de développement et des recettes que génèrent les extensions type Horizon, Witcher, Dark Souls, etc. qui réutilisent une grande partie des assets du jeu de base et qui sont vendus uniquement en démat et qui, à mon avis, sont également un moyen viable de rentabiliser les AAA classiques sans verser dans les microtransactions et lootboxes à outrance…
Qu’en pensez-vous ?
Corthephis Eriaggan dit
Bonjour,
Je veux juste donner un petit conseil à Patrick pour se remettre à Nier Automata. J’ai eu exactement la même expérience désagréable après avoir acheté le jeu : impossible de passer les scies circulaires du prologue, et renvoyé chaque fois au début, alors que je l’avais réussi du premier coup dans la démo.
Du coup, j’ai fait le prologue en mode de difficulté « facile ». On a dans ce cas des attaques et surtout des esquives automatiques, ça passe tout seul. Il est même possible de changer la difficulté juste avant ce passage délicat je crois.
Ensuite, une fois le prologue terminé, la difficulté peut être ramenée sur « Normal ». Il n’y a aucune incidence sur l’histoire ou les trophées à changer la difficulté en cours de route, et par la suite on peut sauvegarder à peu près quand on veut, ou du moins avant chaque boss, donc on ne ‘bute’ plus sur le même genre de barrière.
J’espère Patrick que ça pourra t’aider à découvrir ce magnifique jeu, dont la connaissance me paraît absolument indispensable à tout gamer qui se respecte ! Je n’avais pour ma part pas été autant émerveillé par un jeu depuis ma découverte des RPG avec Final Fantasy VII quand j’était jeune ado…
Bon jeu, et merci pour toutes tes émissions …
Patrick dit
Bonne (et mauvaise) nouvelle : comme tu l’entendras dans l’épisode suivant (et celui d’après !), j’ai fini le jeu (avec la vraie fin du bout), et… Je n’ai pas aimé ! Les détails dans le podcast… 🙂
Corthephis Eriaggan dit
Ah !!
Je suis en retard sur les écoutes parce que j’avais bêtement désactivé un réglage dans mon Podcast Addict, du coup j’arrive après la bataille…
Je suis quand même hyper intéressé d’écouter la suite, et de savoir pourquoi tu n’as pas aimé. C’est toujours intéressant de confronter les points de vue, et ton opinion me fera peut être aussi encore réfléchir à ce jeu sur lequel j’ai déjà cogité pas mal.
Tu auras peut être plus de chance avec le prochain jeu-que-tu-n’as-pas-fait-et que-tout-le-monde-te-recommande-absolument…….